Comment parler du deuil, de la fille Clara disparue ? La langue s’annonce brève et incisive, - oserait-on dire « abrupte » ? -
C’est quoi une fenêtre ?/ Mon squelette récent // J’ai soif/ de la tombe blanche/ovale dans mon corps.
Mais, très vite, elle bouleverse : Le bateau s’éloigne/ La douleur est accueillie. Elle pose aussi la question, sans détours : Que faire de la fille partie ?
Ce qui est vu bouscule la trajectoire du chant qui souhaite se construire et comprendre. Ligne horizontale de lumière// Concentrée jusqu’à un bâtonnet frêle// Je m’y installe./ Il devient vertical. Le mal, à juste titre, commande et interprète le monde. Il est accompagné, néanmoins, d’une lucidité, elle-même implacable ; elle se pose comme le guide constant qui dévaste et sauve aussi. Suis-je dehors/ Ou toujours dedans ? Et que dire de ces mots qui ouvrent le poème : J’ai enfanté une pierre ?
Dans cet univers cohabitent la chaleur du réconfort, de la paix, de l’équilibre tant recherchés, ainsi qu’une métaphore, bien entendu rare, pudique, des pleurs associés à la pluie. De surcroît, La joie est dite, tel est le constat si bref, et le corps se pétrifie ou se brise, il plie tout en prenant des dimensions de géant, à la mesure d’une douleur qui [v]andange sans fin. Le vent se solidifie, comme flèches, et dans la résignation vient s’associer, très souvent, la lumière. Il manque une quelconque profondeur au puits de vérité dans lequel la poète plonge ou détourne, effrayée, son regard. Il y est question d’une prière, du voile de Véronique qui n’apaise point.
Aussi, le monde extérieur, désormais, ne dépend-il plus de la souffrance. La fenêtre accepte le vivant, les verbes de mouvement tout à coup prolifèrent. Avec l’image de l’oiseau prisonnier qui veut quitter sa tombe, la défunte acquiert son autonomie, elle n’habite plus le corps, car le deuil semble accepté. Or, n’y verrait-on pas, également, l’image du phénix qui renaît de ses cendres ? En tout cas, si la vie meurt, la mort porte en elle la vie. Si la clairvoyance a conduit vers un apaisement encore relatif, elle cède maintenant la place au (…) cheval marron/ avançant vers le soleil. Les deux derniers mots du livre, qui auraient pu être proférés dès les premières lignes mais qui n’auraient, certes, pas eu la même portée, attestent d’une renaissance éclatante, pleine de sens pour qui a traversé ce périple à la fois éprouvant et salvateur : Me voilà. Un nouveau cycle s’amorce.
Fabrice Farre