dans l’
interstice où se tisse l’
absence
quand ce
qui bredouille bégaye
quand l’
imprononçable
le poème se fait
avec ce qui ne sait avec
ce qui ne s’
est
*
tu n’inventes
rien
tu prends
ce qui se
trouve
les bouts les bris les dé bris les grains les graines les brins les brin
dilles
*
le paysage se
soulève sous ta peau
se nouent se
lient tes ligaments
*
tu vois l’
érosion de la roche
son cœur gelé battant dans l’immobile sa fatigue lointaine son visage
à l’
inverse
tourné vers l’
implacable
*
tu reconnais
l’empreinte
de ton pas pétrifiée dans la glaise la forme de ta main dans l’
éboulis de pierres
ton haleine
calquée au revers d’une roche soulevée
par hasard
*
entrelacs de signes
indéchiffrés
langue étrange illisible et rugueuse dont tu ignores
l’alphabet
*
tu voudrais retranscrire
l’énigme d’
un souffle sa force première que seule la pierre d’une autre préhistoire
retient
*
tes gestes de tourbe tes doigts de tiges de roseaux d’épines
ton corps
marié a la vase de l’estuaire
ta langue
laminaire
noyée
*
à travers la bruyère sans âge tu vas vers ce que l’
oubli n’
a pas encore
nommé
*
tu inventes des noms à tout
ce qui appelle
jetée au bord des routes remontant l’espace de toutes les enfances
assourdie par les déflagrations
prisonnière
accourant dans l’image
muette
*
gravité
morne des absences
oublis
foudroyés
tours
abîmées
éboulis
effarement
effacement
*
les mots tombent
de ta bouche
au sol s’
agglomèrent en vacillantes montagnes sur lesquelles se projette l’ombre
de tes gestes
restés
en suspens tes gestes
inaboutis
poursuivant loin de toi leur voyage solitaire vers le lieu qui les tourmente
*
et tes mains fleurs sans racine
creusent dans l
’air
le manque qui les
abîme
*
dérivent
les cris d’oiseaux la main caressée son revers et ce qui sourd malgré le gel
le couteau de tes larmes
dans mon cœur
disparu
*
dans le pré
où
je suis
petite
que l’herbe doucement et la rondeur des nuages dans le vent
sans flétrissures
tourne ma jupe
tachée
de fleurs
(Poèmes extraits d’un ensemble inédit intitulé « pré histoire ».)
Christine Bloyet vit à Nantes. Elle a publié deux recueils aux Editions Henry : Étreinte (prix des Trouvères des lycéens) et pas même une brindille.
Des textes dans les revues : Gare Maritime, N47, Verso, Cabaret, Incertain regard.